Logo de la startup Taxe sur les livres d'occasion : parlons-en avant d'improviser !

Taxe sur les livres d'occasion : parlons-en avant d'improviser !

#blog Dernière mise à jour : 06/05/2024

“On va mettre en place au moins une contribution qui puisse permettre de protéger le prix unique et permettre à nos auteurs, éditeurs et traducteurs d’être mieux aidés”.
En visite au Festival du Livre, Emmanuel Macron a annoncé vouloir mettre en place une taxe sur les livres d’occasion. Cette déclaration a suscité de vives réactions au sein de l’écosystème littéraire,  soulevant des interrogations quant à son impact, notamment chez les jeunes et les étudiants.

En tant qu’acteur du livre et premier vendeur français de livres d’occasion, nous ne pouvons rester de marbre face à cette annonce. Il est de notre devoir d’apporter de nouvelles perspectives au débat
public afin d’éviter que toute mesure ne soit prise à “l’aveugle”.

Chez La Bourse aux Livres, la question de rémunérer les auteurs s’est posée très tôt. Cette démarche de réflexion, nous l’avons engagée en décembre 2023. Nous avons porté l’idée auprès de la SOFIA
(Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit) lors d’une réunion de travail, et organisé une table ronde incluant auteurs et éditeurs.

Depuis février 2024, nous expérimentons même un système de rémunération des auteurs basé sur le volontariat. Lors de leur achat, nos clients peuvent verser, s’ils le souhaitent, un montant personnalisé
aux auteurs. Pour le versement, nous étudions toujours plusieurs pistes dont l’une auprès d’un organisme chargé de la distribution des droits d’auteurs.

Cette première initiative a ses limites. Bien qu’elle n’impose pas de supplément à ceux qui dépendent de l’occasion pour lire, elle n’offre pas de revenu systémique aux auteurs. À ce titre, Sophie Loubière, autrice, soulignait être “très intéressée par votre démarche […] mais nous on ne veut pas l’aumône.” En effet, il n’est pas question de verser “un pourboire” mais de réviser un système injustement  rémunérateur pour les auteurs.

L’exemple du Royaume-Uni

En 2021, la plateforme britannique d’achat de livre d’occasion World Of Books s’est associée à la Authors’ Licensing and Collecting Society (ALCS) équivalent de la SOFIA, afin de créer AuthorShare.
Un modèle de rémunération des auteurs, équitable, doté d’un fond 200.000£ annuel, tiré du chiffre d’affaires de World Of Books. Il rémunère les auteurs adhérents à hauteur de 1000£ par an. C’est le
premier pays au monde à verser des royalties aux auteurs sur le marché de l’occasion. Pourquoi ne pas s’inspirer des solutions existantes à l’étranger où les acteurs de l’occasion prennent leurs
responsabilités ?

La question de la lecture chez les jeunes

“Je ne veux pas d’un pays où TikTok remplace les romans” – Gabriel Attal. Selon le premier ministre, la lecture est en baisse chez les jeunes. Une taxation mettrait très probablement un frein supplémentaire à la lecture. En effet, 71% de nos utilisateurs déclarent que le livre d’occasion leur permet de lire plus.
Nous avons interrogé les moins de 25 ans, l’un d’eux affirme par exemple : “ Il y a de moins en moins de jeunes qui lisent, ça ne va faire qu’aggraver ce phénomène. Inévitablement, on en achètera moins.”
Ainsi, ce sont les jeunes lecteurs qui seront les plus impactés par une telle réforme, réduisant l’accessibilité des livres d’occasion, qui leur permettent de lire davantage. Si le livre d’occasion
rémunère correctement son créateur, pouvons-nous envisager de rendre le pass culture éligible aux achats d’ouvrages de seconde-main ?

L’impact écologique

Au-delà de question de budget, la circularité du livre et l’engagement écologique occupent une place très importante chez les jeunes. L’étude “Les Français & le ReCommerce” [https://www.momox.fr/etudes/les-francais-et-le-recommerce-en-2023/] indique qu’en 2023, la dimension écologique est un critère d’achat de livres d’occasion pour ⅔ des moins de 25 ans. En effet, lors d’une enquête réalisée auprès de nos utilisateurs, une jeune étudiante nous confie : “depuis deux ans, je privilégie l’occasion surtout avec la conscience écologique et l’inflation.”. Notre dernier bilan carbone réalisé par Natural Development le confirme : un livre d’occasion émet en moyenne 3,5 fois moins de CO2eq qu’un livre neuf*.

Les dérives de certains acteurs peu scrupuleux

Adressons la pratique honteuse du “deblistering” de livres neufs et de leur mise sur le marché de l’occasion dans un délai indécent. Chez La Bourse aux Livres, une sortie met en moyenne 330 jours pour arriver en stock.
Le Président s’attaque-t-il donc à un faux problème ? Ou nos confrères ont-ils des statistiques et des pratiques moins scrupuleuses ?
Plutôt que de se précipiter vers une taxe, pouvons nous par exemple imaginer, comme dans le secteur du cinéma, une chronologie des médias ?
Il s’agirait, dans un premier temps, d’imposer un délai minimum légal entre la date de sortie d’un livre et sa mise en vente sur le marché d’occasion.

Quel risque pour le marché du livre ?
Le marché de l’occasion est par définition bridé par son marché primaire. D’après le dernier rapport de la SOFIA, les acteurs de l’occasion ressentent même déjà des difficultés d’approvisionnement. Il y a urgence à faire évoluer le système de rémunération des acteurs de la chaîne du livre, sans pour autant freiner la démarche de l’occasion.
Imposer une taxe systémique, mal proportionnée, sur l’ensemble des acteurs de l’occasion, contribuera à accentuer significativement la baisse de la lecture chez les jeunes, sans garantie que cela ne solutionne le sujet du “deblistering”. La France deviendrait, par la même occasion, le premier pays à pénaliser ouvertement l’économie circulaire.

Pionnier sur le sujet, nous n’avons toujours pas été contacté pour exprimer notre avis. Nous sommes peut-être le seul acteur du livre d’occasion à être ouverts à une régulation, voire même à une
contribution visant à rémunérer plus équitablement la chaîne du livre. Nous appelons, les auteurs, les libraires, les distributeurs, les maisons d’éditions et les pouvoirs publics à organiser une table ronde avec tous les acteurs du secteur du livre d’occasion afin de considérer toutes nos propositions.

*lorsqu’ acheté sur La Bourse aux Livres